Ramuz accorde une grande importance à ses manuscrits et les conserve précieusement. Leur préservation est guidée par le besoin de pouvoir s’y reporter, les consulter, et les réemployer. L’écrivain peut ressortir de son armoire des liasses ébauchées des années auparavant, les récrire à nouveau, et en publier une version qui lui semble satisfaisante à vingt ans d’écart. Il récupère des éléments textuels de grande ampleur, et la chose est vraie aussi des textes publiés, que Ramuz refond dans des versions nouvelles, à peine l’édition originale parue. Ces phénomènes de recyclage font de son œuvre une suite de variations. Situations, lieux, personnages apparaissent comme les supports d’un discours sur le monde qui ne change guère, tout en ne proposant aucune réponse définitive. Les raisons de ces réécritures sont multiples : elles tiennent autant à la volonté de l’écrivain de rentabiliser son travail qu’à son insatisfaction constitutive, à son souci d’adaptation au public qu’à son peu de foi dans l’existence d’une œuvre définitivement achevée.