Photo contemporaine d’un lever de soleil dans une forêt. L’image est rouge.

« Cependant on voyait Brigitte aller, tous les matins, ramasser du bois mort dans un bosquet de mélèzes qui était un peu au-dessus du village. Elle s’était ouvert ainsi, avec ses souliers bien trop grands pour elle, un petit chemin dans la neige ; et, comme elle faisait chaque jour plusieurs voyages, il se trouvait que le chemin durait, pareil à un bout de faux fil qu’on aurait oublié sur un drap de ménage. 
Et ainsi le trajet était facile de chez elle jusque dans le bois ; mais c’était sous les mélèzes que commençaient les complications, à cause que les branches mortes se trouvaient prises dans la neige gelée, d’où généralement elles ne sortaient que par le bout ; de sorte qu’il lui fallait creuser tout autour avec ses mains. 
On avait commencé par se moquer d’elle : 
— Qu’est-ce que vous faites ? Vous manquez de bois ? 
— Que non, disait-elle. 
— Alors ? disait-on. 
— C’est pour le cas où le soleil ne reviendrait pas. »

Si le soleil ne revenait pas, 1937

Légende

Mathieu Bernard-Reymond

Le soleil vomira rouge, et puis il ne sera plus là, d’après Si le soleil ne revenait pas (1937), 2023

© Mathieu Bernard-Reymond/Musées de Pully